« La lutte contre la faim va être encore plus difficile »

Le sommet mondial de l'alimentation devait se tenir du 5 au 9 novembre, en Italie. Jacques Diouf, directeur général de la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), a proposé qu'il soit reporté à juin 2002, en raison des attentats du 11 septembre.

Vous avez demandé au conseil de la FAO le report du « Sommet mondial de l'alimentation : cinq ans après ». Pourquoi ?

Jacques Diouf. - Malheureusement, les circonstances internationales actuelles, la perte de tant de vies humaines innocentes et la crise qui s'est ensuivie m'ont amené à demander au conseil de la FAO le report du sommet. Mais ce n'est que partie remise. Je vais proposer de reporter le sommet du 10 au 14 juin 2002. Cette période m'a paru propice, car elle ne coïncide avec aucune autre réunion importante sur le plan international.

La FAO s'est fixé comme objectif qu'en 2015 le nombre de personnes qui souffrent de malnutrition soit réduit à 400 millions. Les attentats du 11 septembre vont-ils le remettre en cause ?

En 1996, les dirigeants mondiaux réunis à Rome s'étaient engagés à réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées au plus tard en 2015. Dans la pratique, cet engage ment signifiait que le nombre de personnes sous-alimentées aurait dû diminuer de 20 millions par année. Malheureusement, déjà bien avant l'attentat du 11 septembre, seules 6 millions de personnes étaient sauvées des affres de la faim chaque année. A ce rythme, il nous faudrait près de 60 ans pour atteindre l'objectif du sommet de 1996, soit réduire de 800 à 400 millions le nombre de personnes sous-alimentées.

Ce que nous proposons aujourd'hui, c'est de revoir les priorités internationales afin que chaque année 22 millions de personnes en plus puissent manger chaque jour à leur faim. Les actes terroristes vont probablement laisser des traces indélébiles.

Leurs conséquences économiques et politiques seront profondes. Mais il faudra relever les nouveaux défis issus de ces événements tragiques et douloureux. La lutte contre la faim va être encore plus difficile, mais c'est une bataille à notre portée, et nous nous devons de la gagner. Plusieurs pays nous ont montré qu'il était possible de remédier à la faim rapidement. Cependant, l'expérience nous a appris que la condition sine qua non d'une réduction rapide de la faim est un contexte de paix et de stabilité politique.

Yves Miserey, Le Figaro Entreprise, novembre 2001
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