La longue marche vers l'élimination de la pauvreté

 Entrée dans le vif du sujet, la Suisse va devoir se pencher avec assiduité sur les efforts colossaux entrepris par les Nations-Unies pour combattre les fléaux qui menacent l'avenir de la planète, plus particulièrement le statut des 4,6 milliards d'êtres humains qui peuplent les pays en développement.

 

En ce début du troisième millénaire, l'ONU cherche à mobiliser un maximum de forces économiques, financières et politiques pour atteindre l'objectif prioritaire de la lutte contre la misère. Son secrétaire général, Koffi Annan, avait condensé l'année dernière en sept domaines d'actions les orientations de l'institution dont il coordonne les efforts. On les trouvera - chiffres à l'appui - dans l'encadré ci-dessous. L'Assemblée générale en a longuement débattu.

La situation des pays en développement
826 millions d'individus sont sous-alimentés
850 millions sont analphabètes
1 milliard d'êtres humains ne disposent pas d'eau potable
2,4 milliard sont dénués de soins médicaux de base
325 millions d'enfants ne vont pas à l'école
11 millions d'enfants de moins de cinq ans meurent chaque année de maladies guérissables
1,2 milliard d'êtres humains vivent avec moins d'un dollar par jour

Cinquante ans plus tard...
Tout d'abord, bien que ne faisant pas partie de l'ONU, l'Organisation mondiale du commerce, réunie à Doha, a lancé un nouveau cycle de négociations visant à l'ouverture de tous les marchés et à la mise au point d'accords commerciaux pour que le moins possible de pays soient lésés par une domination des pays développés. Du 18 au 22 mars se tiendra à Monterrey (Mexique), une conférence internationale organisée par l'ONU et intitulée "Financer le développement". Elle est née de la réunion l'an dernier à Bruxelles des quarante-neuf pays les moins avancés du monde (PMA), enfermés dans le piège de l'endettement. On y demanda la convocation d'une conférence spéciale avec la participation du FMI (Fonds monétaire international), de la Banque mondiale et du secteur privé. Des "conseillers" de renom furent approchés pour préparer cette rencontre importante où, pour la première fois depuis la guerre, les institutions financières mises en place à Bretton Woods participeraient pleinement à la recherche de solutions globales aux problèmes de notre temps (même si c'est à peine croyable, ces institutions financières n'ont jamais participé à une conférence internationale depuis celle de La Havane en 1946, où les Etats-Unis torpillèrent la tentative de créer une organisation internationale du commerce liée à l'ONU; c'est à ce moment que naquit le GATT, qui n'était qu'un accord et non une organisation internationale).
A Monterrey, les deux institutions devront définir leur participation aux projets en discussion pour que les organisations internationales sortent enfin de leur précarré et s'attaquent ensemble aux problèmes. La conférence de Monterrey ne vise pas à résoudre toutes les questions qui seront posées aux participants; il s'agit d'une première étape, qui sera suivie d'autres à intervalles plus ou moins réguliers. Par exemple, à fin août se tiendra à Johannesburg la conférence mondiale sur le développement durable, dix ans après celle de Rio qui en lança le concept. On y cherchera comment éviter que la destruction lente de l'environnement ne contrecarre les efforts en matière de développement.

Que font les pays développés?
Pendant ce temps, à Paris, au siège de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), les pays industrialisés s'attellent à la question de l'aide au développement. Fixée en 1970 à 0,7 % du PIB des pays développés, "l'aide" consentie a rapidement diminué pour une multitude de raisons. En 2000, la moyenne de l'aide apportée par les vingt-deux pays de l'OCDE était tombée à 0,22 % de leur PIB.
Sans prendre en compte les Etats-Unis, qui ne se sont jamais engagés à rien dans ce domaine, le maximum de l'aide accordée par les pays développés s'éleva en 1992 à 60 milliards de dollars, puis descendit à 53 milliards en 2000; cette somme représente 84 % des flux financiers vers les PMA, alors que seulement 4 % constituent des investissements à long terme. L'OCDE souhaite doubler le montant de l'aide.

L'aide apportée par les pays développés n'est pas désintéressée; l'argent "donné" à un pays suppose la plupart du temps que ledit pays achète des marchandises pour le même montant dans le pays "donateur". Aussi l'OCDE cherche-t-elle, avant la conférence de Monterrey, à couper des liens entre l'aide accordée et des achats ultérieurs; le quart de l'aide serait ainsi à l'entière disposition des pays concernés. L'OCDE cherche aussi à "coordonner de manière efficace la fourniture de l'assistance technique avec les donateurs bilatéraux, dans un cadre de politique générale et selon un échéancier cohérent". Y parviendra-t-on?

Lutte anti-corruption
Les pays en développement n'ont pas le monopole de la corruption; mais il faut reconnaître qu'un petit nombre d'individus amoraux y accaparent souvent l'aide occidentale. L'OCDE a déjà rédigé le texte d'une "Convention contre la corruption de fonctionnaires". En 2003, l'ONU doit mettre au point une "Convention contre la corruption" sur mandat du Conseil économique et social. On en parlera à Monterrey. Mais la tâche demeure colossale pour contrôler les circuits financiers des deux tiers de la planète.


P.-E. Dentan, Entreprise romande, 08.03.2002
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