La Croix-Rouge internationale compte ouvrir un bureau régional à Pékin

 

 

Jiang Zemin réagit positivement à une offre de Jakob Kellenberger d'ouvrir une antenne chinoise du CICR. Le président de l'organisation estime par ailleurs que le moment est venu de discuter des visites de prisons.

"C'est une bonne chose". En quatre mots, Jiang Zemin a offert à Jakob Kellenberger le sésame qu'il était venu chercher à Pékin pour ouvrir une délégation régionale du CICR en Chine. En fin de semaine dernière, au terme d'un entretien riche en métaphores littéraires, les deux hommes ont convenu de renforcer leur collaboration. Pour l'organisation genevoise, il est devenu essentiel d'être présente en Chine, vu le poids politique de plus en plus important de ce pays. "Nous voulons mieux connaître leur analyse régionale, leurs prospectives géostratégiques", explique Jakob Kellenberger. Pour Jiang Zemin, qui porte entre autres casquettes celle de président honoraire de la Croix-Rouge chinoise, ces liens sont un nouvelle preuve de l'intégration de son pays à la communauté internationale.

L'enthousiasme du président de l'institution humanitaire genevoise a été quelque peu refroidi lors d'une seconde rencontre avec le vice-ministre des Affaires étrangères, Qiao Zonghuai. Celui-ci veut encore "clarifier" les conditions d'ouverture d'une telle délégation, façon de dire que tout n'est pas réglé. "Tout est déjà parfaitement clair, explique pourtant une source suisse. Il n'y a plus rien à négocier". Dès son retour à Genève, après un passage en Australie et en Nouvelle-Zélande, Jakob Kellenberger promet de faire le nécessaire: "J'entends réaliser ce projet l'année prochaine. C'est ma volonté".

Actuellement, les activités du CICR en Chine sont dirigées depuis le bureau régional de Bangkok déjà surchargé. Hormis la Chine, la délégation de Pékin couvrirait les deux Corées ainsi que la Mongolie. Depuis plusieurs années, le CICR fait un travail de diffusion du droit international humanitaire auprès de l'Armée populaire de libération (APL). Régulièrement, dans les académies militaires de Nankin, Xi'an et Dalian (marine), un ancien officier de l'armée britannique instruit durant trois jours plusieurs centaines de cadets sur les Conventions de Genève. "Je suis assez impressionné par l'ampleur de cette coopération", poursuit Jakob Kellenberger qui a également rencontré deux généraux chinois.

La délégation de Pékin poursuivra trois buts: promotion du droit humanitaire, développement de la coopération avec la Croix-Rouge nationale et intensification de la diplomatie humanitaire. Sur ce dernier point, Jiang Zemin a notamment évoqué la situation du Moyen-Orient avec son hôte. "Je réfléchis au développement d'activités internationales pour Pékin, explique encore Jakob Kellenberger. Je verrais bien des délégués chinois en Afghanistan pour la réhabilitation des hôpitaux. Mais ce n'est pas encore mûr."

Il est un autre dossier pour lequel Jakob Kellenberger estime le moment venu de conclure les négociations: l'accès des prisons chinoises aux visites du CICR. "La Chine n'est pas en guerre, elle n'a aucune obligation juridique en la matière", commence par rappeler l'ancien diplomate. Des discussions sont en cours depuis 1994 et, en 1998, le CICR a fait une offre concrète pour accéder aux détenus au nom de la sécurité d'Etat. Le dossier n'a plus avancé depuis. Le nombre de prisonniers politiques en Chine dépasse certainement le chiffre officiel de quelques milliers, estime le sinologue français Jean-Luc Domenach dans son dernier livre "Où va la Chine?": "Ceux-ci ne constituent désormais qu'une faible minorité vraisemblablement moins de 1 % du nombre des détenus. "

A la demande de la Croix-Rouge chinoise, le CICR devrait entamer en avril prochain une première opération de longue durée en Chine. Il s'agit d'un centre d'appareillage orthopédique dans la province du Yunnan. "Nous allons produire mille prothèses par an avec trois expatriés et douze employés locaux durant trois ans, puis remettre le centre à la Croix-Rouge locale", explique Jean-Marc Bornet, délégué régional pour le Sud-Est asiatique. Une mission d'évaluation a estimé à dix mille le nombre de personnes mutilées qui devraient bénéficier de ce service. Pour une grande partie, il s'agit de victimes civiles de la guerre sinovietnamienne de 1979.


Frédéric Koller, La Liberté, 30.11.2002
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