Les enfants-esclaves de la guerre du diamant

Pour financer leur guerre, les rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) capturent les adolescents des villageois sierra-léonais : ils disposent ainsi d'une main-d'oeuvre soumise pour travailler dans leurs mines de diamant.

Les réfugiés du Camp Splendid, dans le sud de la Sierra Leone, comprennent beaucoup mieux la réalité du pays que les politiques. Lorsque la paix a été proclamée, en juillet 1999, les 8 000 personnes vivant au camp n'ont pas fait la fête. Lorsque les Nations unies ont annoncé que la guerre était finie, personne n'a entrepris le long voyage vers sa terre d'origine. Et, lorsque les rebelles sont repartis en guerre, nul n'a été surpris. Les réfugiés avaient déjà vu le Front révolutionnaire uni (RUF) en action et compris dans l'horreur les enjeux de sa guerre. Ils sont arrivés au Camp Splendid, situé dans la ville de Bo [dans l'est du pays], plus d'un an après le début de l'offensive des rebelles sur la région diamantifère de Kono. Le RUF avait vidé des villages entiers, exécutant leurs habitants au hasard pour accélérer l'exode. Mais, tandis que des dizaines de milliers de personnes fuyaient dans tous les sens, les rebelles ont pris soin de ne pas laisser filer les plus jeunes. Mary Kamara a perdu ses deux enfants en fuyant Kono. Elle a été séparée de sa fille de 10 ans pendant la marche de près de 200 kilomètres qui l'a conduite, à travers la brousse, jusqu'à Bo. Son fils de 15 ans a été kidnappé par les rebelles. "Le rebelle qui l'a pris ler, mais il a pointé son arme sur moi. Alors, je lui ai donné de l'huile de cuisine et il ne m'a pas tuée, se souvientelle. _7e ne sais pas ce qu'est devenu mon fils." Dans leur fuite éperdue, les réfugiés ont essayé de maintenir leur famille unie et de rester en vie. Ils n'ont pas eu le temps de s'interroger sur l'empressement des rebelles à s'emparer des jeunes hommes, alors même qu'ils chassaient tout le reste de la population. Mais, après la pénible marche qui les a conduits dans la relative sécurité de Camp Splendid, Mary Kamara et les autres réfugiés ont commencé à recouper leurs histoires. Ils en ont conclu que le RUF avait pris les jeunes et les financent la guerre des rebelles. "Ils essayaient de nous faire partir de la région et de capturer des travailleurs forcés pour les mines de diamant, raconte Joseph Sahl Bendu. Ils cherchaient des hommes à partir de 12 ans. Dès que je l'ai su, je me suis enfui, mais mon neveu a été capturé." Certains réfugiés se sont risqués à retourner à Kono, mais ils sont vite rentrés au camp. Ils ont constaté que les habitations avaient été détruites en masse pour permettre l'extraction du diamant. Ils ont vu des armées de travailleurs dans d'innombrables mines à ciel ouvert. `Certains membres de ma famille sont allés voir à Kono, explique Mary Kamara. Ils ont dit que les rebelles brûlaient les de Mary Kamara, a, elle aussi, survécu à la fuite. Avant la décolonisation, cette femme travaillait comme nurse chez les Anglais qui dirigeaient les mines de Kono. Elle en a trop vu pour croire que le chef rebelle Foday Sankoh et ses hommes puissent un jour se montrer favorables à un partage du pouvoir. "Ce terrible Sankoh n'était absolument pas d'accord avec la paix. Il a continué à tuer des gens dans la brousse et à prendre les diamants".

Les réfugiés sont donc restés sur place, bien que la vie ne soit pas facile dans le camp. Les femmes ne pourraient pas nourrir leur famille sans l'apport du Programme alimentaire mondial. Ironie de l'histoire : certains jeunes hommes ont choisi le travail qu'ils auraient été forcés d'accomplir s'ils n'avaient pas fui Kono : ils creusent le sol à la recherche de diamants. A une demiheure de voiture de Bo, une multitude d'excavations apparaissent de part et d'autre de la route. Des milliers de jeunes travaillent par groupes de quatre : le premier jette une pelletée de terre dans un grand tamis rudimentaire ; le deuxième verse des seaux d'eau dessus ; et les deux autres fouillent la boue de leur pelle, dans l'espoir d'y découvrir un petit diamant. Ils exécutent donc le même travail, mais à cette différence (cruciale) près : si la chance leur sourit, les mineurs acharnés du Camp Splendid deviendront (relativement) riches, au lieu de financer une guerre à laquelle ils ne voient plus d'issue.


DE BO (SIERRA LEONE) / Chris McGreal : The Guardian Londres
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